Un coup de foudre salvateur![Kamijo]

Durant l'après-midi, j'avais décidé de m'offrir une petite escapade dans la plaine de la foudre. La chaleur était étouffante, c'est pourquoi j'avais opté pour une chemise légère avec quelques boutons ouverts. Néanmoins, mon pantalon troué avait une fâcheuse manie de me chauffer le bas du corps, ce qui par conséquent, chauffa le reste. Je sentais quelques gouttes de sueurs qui perlaient à mon front, c'était insupportable.

« Allez, nous ne sommes pas au pays du feu ici, alors mettons un peu d'ordre dans tout cela! », m'exclamai-je en regardant le ciel étrangement dégagé.

Tout en continuant la marche, je sentais les nuages entrer sur scène et offrir une danse sensuelle ainsi qu'un mariage inattendu aux rares spectateurs de ces lieux. Leur fusion fit gronder le ciel, et il semblait que Zeus lançait ses éclairs n'importe où sur la terre. Bien sûr, il le faisait sous mes ordres. J'autorisai ensuite le ciel à pleurer un mariage raté. La pluie ne tarda pas à s'abattre sur la terre d'une violence qui me revigorait!

Il s'agissait là de ma plus belle œuvre : plusieurs averses aussi brutales que la colère des Titans, et des manifestations sonores qui terrifiaient les enfants. Content de ce résultat, je poursuivis ma ballade d'un air guilleret.

Mais soudain, je vis une malheureuse femme qui semblait endormie. Appréciait-elle mon chef d'œuvre? Ou le détestait-elle? Il n'y avait qu'une manière de le savoir.

« Pardonnez-moi ma chère, il n'est pas l'heure de dormir... »

Je m'arrêtai en remarquant l'énorme félin derrière elle. Quel magnifique animal! Je décidai de prendre place aux côtés de ces deux magnifiques créatures, peut-être étaient-elles fatiguées mais toujours conscientes? Allaient-elle me répondre? En espérant qu'elles ne fussent pas mal en point et évanouies... Je détestais faire du bénévolat.

J’attendis patiemment aux côtés de la jeune femme, espérant une réaction de sa part. Si elle était évanouie, je serais contraint de l'emmener dans mon palais où mes domestiques s'occuperaient d'elle. Cependant, il n'était pas dans mon habitude d'amener une inconnue en mon château, même si c'était par pure charité. Alors j'attendis, en admirant ma douce pluie ruisseler sur un visage parfait.

Heureusement, la jeune inconnue ouvrit faiblement les yeux et m'adressa un petit sourire tout à fait agréable à l'œil. Je m'écartait légèrement afin de lui laisser un peu d'espace vital, avant d'entendre pour la première fois le son de sa voix, claire et cristalline. Je ne répondis pas à ses dires, mais esquissa un sourire. Un sourire parfois, valait mieux que quelques mots soufflés dans le vent... Mais elle me posa une question, me demandant si j'étais l'auteur de ce chef d'œuvre qui semblait lui avoir prodigué quelques forces.

« Bien sûr! Il se trouve que la chaleur et la sueur perlant à mon front ne me siéent guerre. Toutefois, si le temps vous importune, je peux y remédier. », lui déclarai-je en m'inclinant.

Le fait que je fusse courtois me rendait d'autant plus vile et perfide. Flatter autrui était une tâche que j'avais toujours accompli à merveille. Mais je n'étais pas un goujat au point d'attirer cette femme dans mes filets, dans l'unique but de la dévorer ensuite. Quoique, cela ne me déplairait point...

Je constatai avec amusement que le félin de la jeune femme appréciait mon œuvre. Je trouvai cela étrange pourtant, car à ma connaissance, les félins n'aimaient guère l'eau. Enfin, cette bête était l'exception qui confirmait la règle. J'attendis que la douce créature se manifestât afin de me délecter une nouvelle fois de ce chant mélodieux qu'offrait sa voix. Flatté que l'on appréciât mon art, je m'inclinai en toute modestie.

« Vous m'en voyez ravi ma chère. »

Toutefois je ne comprenais pas comment autrui ne pouvait apprécier une eau si pure qui tombait naturellement du ciel. Avec les nuages qui l'accompagnaient, je me sentais si souvent protégé sous leurs abris de coton illusoire... Le soleil quant à lui n'en demeurait pas moins vile, arrogant et imposant. Il charmait les âmes faibles de sa chaleur et les attirait dans son filet ardent, afin de mieux les oppresser de sa force flamboyante. Je ne pouvais comprendre cet passion absurde que le monde éprouvait pour cet astre despotique.

Je fis une pause dans ma réflexion intérieure. J'eus soudainement l'impression que mes caractéristiques n'étaient pas si lointaines à celles du soleil. En effet, j'avais le même caractère tyrannique et capricieux, à l'exception de sa chaleur que je réfutais.

« Je voue un culte ineffable pour la pluie, et les nuages sont un masque qui me protège de ce que je redoute le plus au monde. »

Être son propre ennemi ne pouvait que causer du tort à autrui. Si je m'imposais une lutte contre moi-même, alors c'était le monde entier que je défiais. Je ne pouvais rien lui apporter de bien et il était tout à fait logique qu'il ne m'en récompensât d'aucune manière.

« Vous ne pouvez rien faire pour moi. Même ma pluie ou vos larmes ne pourraient refaire vivre mon âme fanée. Je ne suis qu'une magnifique fleur morte depuis longtemps. Cependant, la mort ne s'est jamais lue sur mes sombres pétales, mais elle a toujours fait croître des épines venimeuses. »

J'ignorais les raisons pour lesquelles je m'emportais de la sorte. J'étais sur le point de pourrir l'esprit fragile de cette jeune femme en énonçant de telles calomnies. Pourtant, elle ne sembla pas touchée par mes propos et m'encouragea à exposer une quelconque requête pou payer sa dette. Mes yeux se fermèrent au contact bénin de sa main dans ma chevelure.

« Je suis un monstre et vous le savez n'est-ce pas? Votre innocence et mon orgueil vont vous mener à votre perte... À la mienne également. »

Je portai ma main à la sienne et la pris d'une infinie douceur.

« Quel est votre nom? »